Etats des lieux émotionnels liés au Covid-19

Etude chinoise sur covid-19

https://gpsych.bmj.com/content/33/2/e100213

 

https://www.yalemedicine.org/stories/covid-19-anxiety/

 

 

 

(…) Ces travaux  (Etudes concernant l’impact du confinement) nous fournissent des éléments clés pour mieux cerner les effets délétères de ce type de dispositions, et établir les mesures à prendre pour les circonscrire.

 

Voici ce qu’il faut en retenir.

 

Les recommandations à partir des données chinoises

 

L’enquête chinoise sur le degré de détresse psychologique, conduite auprès de la population générale dans 36 provinces, régions autonomes ou municipalités, a permis de collecter 52 730 réponses. Celle-ci ont été obtenues grâce à un autoquestionnaire à remplir en ligne, explorant avec des outils validés la fréquence de l’anxiété, de la dépression, des comportements d’évitement et des symptômes physiques au cours de la dernière semaine.

 

Les auteurs montrent pour 35 % des répondants (35,27 % d’hommes et 64,73 % de femmes) le résultat obtenu révèle un stress psychologique modéré, et pour 5,14 %, un stress sévère. L’analyse indique aussi que les femmes présentent un plus haut degré de détresse psychologique que les hommes. On apprend en outre que cette détresse touche davantage les individus âgés de 18 à 30 ans ou ceux de plus de 60 ans. Enfin, les travailleurs migrants constituent le groupe le plus exposé, alors que le score de détresse psychologique est, sans grande surprise, le plus élevé dans les épicentres de l’épidémie.

 

En conséquence, les auteurs de l’étude suggèrent les recommandations suivantes :

 

  • prêter une attention aux besoins spécifiques des groupes vulnérables comme les jeunes de 18 à 30 ans, les personnes âgées et les travailleurs migrants ;
  • mettre en place des services de soutien et d’accompagnement tels que ceux mis en place dans les situations de désastres majeurs ;
  • déployer des interventions ciblées pour réduire le stress psychologique et prévenir les problèmes de santé mentale ultérieurs.

 

Identifier les facteurs de stress pendant et après le confinement

 

Les éditeurs de la revue Lancet se sont quant à eux penchés sur l’impact psychologique du confinement et les mesures à mettre en œuvre pour en réduire les effets négatifs. La note de synthèse a été rédigée à partir de 3166 articles publiés et expertisés par des comités scientifiques. 24 études présentant une solidité scientifique ont été retenues. Elles concernent 10 pays et incluent pour l’essentiel les virus du SRAS (11), Ebola (5) et de la grippe A (H1N1) (3).

 

L’analyse documentée des résultats de ces études indique que la durée de confinement elle-même est un facteur de stress : une durée supérieure à 10 jours est prédictive de symptômes post-traumatiques, de comportements d’évitement et de colère. Les auteurs ont aussi identifié les facteurs de stress suivants durant la période de confinement :

 

  • les symptômes physiques : ils amplifient la peur de l’infection et l’inquiétude (y compris plusieurs mois après l’épisode) ;
  • la peur, pour les femmes enceintes, à la fois d’être infectées et de transmettre le virus à leur futur enfant ;
  • la peur, pour les mères ayant de jeunes enfants, d’être infectées ou de transmettre le virus ;
  • l’ennui, la frustration et le sentiment d’isolement causé par le confinement et par la réduction des contacts physiques et sociaux ;
  • les lacunes dans la distribution des biens de première nécessité ;
  • l’inadéquation de l’information transmise par les autorités de santé publique concernant les bonnes pratiques, et la confusion sur l’objectif du confinement ;
  • l’absence de clarté sur les niveaux de risque ;
  • l’absence de transparence sur la sévérité de la pandémie ;
  • l’absence de protocoles et de guides de conduite clairs.

 

Le stress ne s’arrête pas après la fin du confinement. En effet, ces études permettent également de lister un certain nombre de facteurs de stress qui continuent à faire leur œuvre une fois la situation revenue à la « normale » :

 

  • les conséquences économiques de la perte de revenus à l’origine d’une détresse socio-économique, qui sont cause de colère et d’anxiété pendant les mois qui suivent le confinement ;
  • la détresse socio-économique globale ;
  • la perte des relations commerciales ;
  • la fragilisation élevée des travailleurs indépendants ;
  • la précarisation encore plus importante des personnes les plus fragiles au niveau économique et travaillant dans les métiers ne pouvant s’effectuer par télétravail ;
  • les difficultés à reprendre le travail ;
  • la tension dans les couples liée aux types d’activités professionnelles plus ou moins à risque de chacun des partenaires ;
  • la stigmatisation à l’égard des personnes représentant un danger de propagation ou issues d’une région surexposée.

 

Les recommandations préconisées par les experts

 

Les 24 études résumées dans le Lancet permettent d’identifier un certain nombre de mesures à mettre place pour limiter les effets de ces divers facteurs de stress. Il s’agit notamment de créer des services de soutien afin de venir en aide aux personnes souffrant d’anxiété et de dépression.

 

Il faut aussi garder à l’esprit que la durée du confinement a un impact sur les facteurs de stress, et a un effet démoralisant. Durant le confinement, il est important de réduire l’ennui et le sentiment d’isolement social. Plusieurs solutions sont envisageables :

 

  • Mettre en place des numéros verts pour réduire l’isolement ;
  • Aider les familles éclatées à rester en contact ;
  • Mettre en place un numéro vert animé par des professionnels de santé pour répondre aux questions des personnes qui ont des symptômes qui les inquiètent et rassurer la population ;
  • Créer des groupes de soutien et d’échanges en ligne sur le vécu d’expérience du confinement ;
  • Promouvoir une communication plus centrée sur l’altruisme que sur l’obsession ;
  • Remercier, encourager les personnes qui sont en situation de confinement pour renforcer l’adhésion et l’observance des mesures de confinement tout en les informant sur les mesures de prévention.

 

Cette revue de littérature, menée au niveau mondial, suggère qu’il est essentiel de rendre le confinement le plus acceptable possible pour tous, en satisfaisant les besoins spécifiques des populations les plus en difficultés. En effet, si l’expérience du confinement est vécue comme négative, les conséquences affecteront non seulement les individus qui le subissent, mais aussi le système de santé qui l’organise et les politiques publiques qui le prescrivent.

 

Il ne s’agit pas uniquement de moyens financiers, comme l’illustre la littérature pédagogique produite par l’Organisation mondiale de la Santé, le CDC d’Atlanta et d’autres sources afin d’outiller les citoyens, les familles et les individus pour faire face au confinement. Parmi les exemples disponibles, penchons-nous sur les conseils pour gérer le stress des enfants lié au Covid-19.

 

Identifier le stress des enfants : conseils pour les parents

 

Le CDC d’Atlanta a produit plusieurs fiches et mini-guides (en anglais) à l’intention des adultes, des familles et des enfants eux-mêmes.

 

En tant que parent, il est important d’identifier les modifications d’attitude et de comportements de vos enfants. En effet, il peut s’agir de manifestations réactionnelles au stress. Parmi les points à surveiller :

 

  • Des pleurs ou une irritabilité excessifs chez les jeunes enfants ;
  • Le retour du «pipi au lit» ;
  • Une inquiétude excessive ou de la tristesse ;
  • De l’irritabilité et de l’impulsivité chez les adolescents ;
  • Des difficultés d’attention et de concentration ;
  • Un évitement des activités qui jusque-là leur faisaient plaisir ;
  • Des maux de tête ou des douleurs corporelles inexpliqués ;
  • Un usage d’alcool, de tabac ou d’autres drogues.

 

Pour venir en aide à vos enfants et adolescents, voici plusieurs conseils :

 

  • Prenez du temps pour parler de l’épidémie de Covid-19 avec eux ;
  • Répondez à leurs questions de manière factuelle et compréhensible ;
  • Rassurez-les sur le fait qu’ils sont en sécurité ;
  • Dites-leur que c’est OK s’ils se sentent débordés par la situation ;
  • Partagez avec eux vos stratégies pour faire face à votre propre stress, afin qu’ils apprennent de vous ;
  • Limitez l’exposition de votre famille aux couvertures médiatiques ;
  • Essayez de mettre en place et de maintenir des routines, notamment des horaires pour les activités scolaires à la maison et pour les loisirs de vos enfants
  • Soyez un modèle pour eux ;
  • Maintenez les contacts avec les amis et les membres de la famille.

 

D’autres guides pratiques fournissent également des indications pour faire face à la période de sortie du confinement. En effet, celle-ci peut engendrer des émotions mitigées : soulagement mêlé d’inquiétudes, de peurs, de colère, culpabilité face à ses performances de travail pendant la période de confinement, etc.

 

En conclusion, il est important de mettre en œuvre des stratégies d’accompagnement psychosocial des mesures liées au confinement, afin de rendre celui-ci le plus acceptable possible.

 

Cela signifie adopter une approche de santé publique qui combine la décision à visée collective sans négliger de déployer des interventions empathiques, bienveillantes, centrées sur les besoins de la population. Celle-ci est en effet composée d’individus qui ont besoin de sentir qu’ils comptent en tant que sujets uniques et singuliers dans la préoccupation des autorités de santé publique.

 

C’est un exercice difficile, mais si tous les acteurs se répartissent les tâches et se coordonnent, nous pourrons y arriver. À lUniversité des patients-Sorbonne, nous nous portons nous-mêmes volontaires pour y contribuer, comme de nombreuses associations qui ont déjà une solide expérience des épidémies.

 

Catherine Tourette-Turgis, Directrice du Master en éducation thérapeutique à Sorbonne Université, Chercheure au CNAM, Sorbonne Université

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.

 

 

 

 

Autre source : Source: The Lancet March 14, 2020 DOI : 10.1016/S0140-6736(20)30460-8 The psychological impact of quarantine and how to reduce it: rapid review of the evidence

 

 

 

Le confinement qui fait partie intégrante de la réponse de l’ensemble des pays touchés aujourd’hui par l’épidémie COVID-19, a également, au-delà de l’épidémie elle-même, un impact psychologique négatif, indépendant, significatif et durable sur le public. Cette méta-analyse de psychologues du King’s College London informe et alerte sur ces effets négatifs du confinement et sur l’importance vitale d’un message clair et transparent des Autorités sanitaires tant sur les objectifs de la mesure que sur les comportements à adopter.  

 

 

 

Au total, ces psychologues londoniens ont identifié plus de 3.100 études sur le sujet et en ont retenu 24 pour leur analyse. La plupart des études examinées font état de nombreux effets négatifs du confinement, dont des symptômes de stress post-traumatique, de la confusion et de la colère. Différentes caractéristiques ou conséquences du confinement apparaissent comme des facteurs majeurs de stress : la durée notamment, mais aussi la peur du risque d’infection inhérent au confinement, la frustration, l'ennui, la carence de certains produits de consommation courante, une information inadaptée ou tronquée, la perte de revenus et, lorsque le confinement n’est pas généralisé, la stigmatisation.

 

Certaines études suggèrent même des effets durables du confinement des mois après l’arrêt de la mesure.  

 

 

 

Plusieurs des études sélectionnées ont comparé les résultats psychologiques de personnes mises en quarantaine à ceux de personnes poursuivant normalement leurs activités quotidiennes. Parmi leurs conclusions :

 

  • des personnels hospitaliers déclarent, immédiatement après la fin d’une période de quarantaine de 9 jours des symptômes de stress aigu. Dans la même étude, le personnel mis en quarantaine s’avère beaucoup plus susceptible de signaler l'épuisement, le détachement des autres, l'anxiété, l'irritabilité, l'insomnie, une difficulté de concentration et l'indécision, une baisse d’efficacité et de motivation au travail ;
  • toujours chez des personnels de santé, la mise en quarantaine reste un facteur prédictif de symptômes de stress post-traumatique, 3 ans après le confinement ;
  • des scores moyens de stress post-traumatique sont 4 fois plus élevés chez les enfants confinés vs ceux non mis en quarantaine. Dans la même étude, 28% des parents mis en quarantaine présentent des symptômes suffisants pour justifier un diagnostic de trouble de santé mentale (vs 6% des parents non mis en quarantaine). 

 

 

 

 

 

De la détresse émotionnelle aux troubles de santé mentale : globalement, la plupart des études montrent une prévalence élevée de symptômes de détresse psychologique et de troubles mentaux chez les personnes confinées, dont :

 

  • une détresse émotionnelle,
  • l’épuisement émotionnel,
  • la dépression,
  • le stress,
  • des troubles de l’humeur, l’irritabilité et la colère,
  • l’insomnie,
  • le syndrome de stress post-traumatique,
  • La mauvaise humeur et l'irritabilité se détachent avec une prévalence élevée, chez les personnes confinées.
  • Une autre étude décrit les différentes « réponses négatives » à la quarantaine, chez un millier de personnes atteintes du SRAS : plus de 20% ont signalé de la peur, 18% de la nervosité, 18% de la tristesse et 10% de la culpabilité. Seuls 5% rapportent des sentiments de bonheur et 4% de soulagement.

 

 

 

Des effets durables ? Certaines études font état 3 ans après l'épidémie de SRAS, d’une association avec l'abus d'alcool et de la dépendance. Après une mise en quarantaine, de nombreuses personnes continuent également de présenter des comportements d'évitement. Ce comportement d’évitement est constaté de manière particulièrement fréquente chez les professionnels de santé mis en quarantaine en raison d'un contact potentiel avec le SRAS ; ces derniers vont ensuite « éviter » les patients qui toussent ou éternuent ou les endroits clos et bondés. Certains comportements adoptés pendant l’épidémie perdurent des mois ou des années, tels qu'un lavage des mains fréquent et l'évitement des foules.

 

 

 

Quelles caractéristiques associées à des impacts psychologiques plus négatifs ? Globalement, un âge plus jeune (16-24 ans), un niveau d’étude plus faible, le sexe féminin, avoir des enfants sont des caractéristiques associées, selon certaines études, à des effets psychologiques plus négatifs. Les antécédents de maladie psychiatrique sont associés à des troubles anxieux et de la colère 4 à 6 mois après la sortie de confinement. 

 

 

 

Et les professionnels de santé ? Ils souffrent plus que le public, et dans toutes les dimensions précédemment évoquées. Plus de stigmatisation, plus de comportements d'évitement, plus grande perte de revenus et plus de conséquences psychologiques : dont plus de colère, d'agacement, de peur, de frustration, de culpabilité, d'impuissance, d'isolement, de solitude, de nervosité, de tristesse, d’inquiétude…

 

 

 

Les facteurs les plus « stressants » du confinement ?

 

  • Sa durée est associée de manière forte et dose-dépendante à une mauvaise santé mentale, aux symptômes de stress post-traumatique, aux comportements d'évitement et à la colère.

 

Ainsi, les personnes confinées pendant plus de 10 jours présentent des symptômes de stress post-traumatique significativement plus élevés

 

  • Ensuite, la rupture de la routine habituelle et la réduction des contacts sociaux et physiques sont synonymes d’ennui, de frustration et de sentiment d'isolement du reste du monde. La frustration est d’autant plus grande que l’on n’est pas en charge des activités quotidiennes habituelles, telles que les achats de produits de première nécessité.
  • Le manque de produits ou de services de première nécessité est également source de frustration, mais aussi d’anxiété et de colère. Ces sentiments peuvent perdurer des mois après la « libération ».
  • Ne pas pouvoir recevoir les soins médicaux et les prescriptions habituelles est une source d’angoisse bien compréhensible pour certains participants.
  • 4 études révèlent que, lors de l’épidémie de SRAS, les réassorts de masques ou de thermomètres étaient en retard ou inexistants, que la nourriture, l'eau et d'autres articles de première nécessité n'étaient distribués que par intermittence…

 

 

 

Enfin, une mauvaise information de la part des Autorités de Santé publique, un manque de transparence, des lignes directrices pas suffisamment claires sur les comportements à adopter et une confusion sur l'objectif du confinement conduit le public à craindre le pire. Ainsi, écrivent les chercheurs, « les autorités devraient instaurer les confinements pour une durée n'excédant pas celle requise, apporter une justification du confinement et des protocoles clairs, en s’assurant que les personnes confinées aient accès aux produits et services de première nécessité. Enfin, l’appel à l'altruisme en rappelant le bénéfice commun du confinement peut être un élément positif ».

 

 

 

Source: The Lancet March 14, 2020 DOI : 10.1016/S0140-6736(20)30460-8 The psychological impact of quarantine and how to reduce it: rapid review of the evidence